• Je suppose que si vous lisez ce blog, c’est que (outre votre volonté farouche de devenir un grand romancier grâce à quelques conseils avisés) votre vie sociale est réduite à sa plus simple expression et que la presse quotidienne ne s’émeut guère de votre petite existence (sauf le jour où vous cambriolerez une banque). Il est donc fort à parier que vous ne faites pas partie de la caste aussi médiatisée que lucrative des « fils de » ou « fille de ».  Et que par conséquent ce post ne vous concerne d'aucune manière.

    Pour autant, vous êtes autorisé à en lire la suite (ne me remerciez pas). En général, quand on est « fils/fille de » et que l’on a quelque velléité d’écriture, on ne met pas bien longtemps à se faire publier. C’est le cas, entre autres, de la bien-nommée Mazarine Pingeot, progéniture longtemps cachée de François Mitterand, qui commet régulièrement des petits romans inoffensifs mettant en joie son éditeur , non pas leur qualité mais par leurs chiffres de vente tout à fait raisonnables. Serait-il possible de vendre encore plus ? Bien sûr, en couplant un nom connu avec un fait divers récent, en l’occurrence l’affaire Courjault, du nom de cette brave femme qui a cru bon de mettre ses bébés au frais dans le congélateur. On notera la réactivité tout à fait hors norme de Mazarine pour s’emparer de cette histoire et en tirer une fiction. En quelques mois, le manuscrit était bouclé : c’est ce qu’on appelle avoir de l’inspiration. Cela dit, c’est son droit le plus strict, d’autant que, d’après les quelques personnes « autorisées » qui ont lu la chose, de nombreux éléments s’écartent de la trame originale. Mais pour que la manœuvre soit finalement vraiment rentable, il est nécessaire de créer la polémique, voire dans le meilleur des cas un petit scandale. Ca, c’est le rôle de l’éditeur et de son service communication, qui vont s’ingénier à semer le doute sur la filiation réelle ou supposée entre la réalité et la fiction. Par exemple, dans l’argumentaire envoyé récemment aux journalistes, on trouve en conclusion cette phrase : « Fiction ou fait divers ? Pari risqué, pari réussi ». Ensuite, il n’y plus qu’à attendre que le petit landernau littéraire se mette en branle, puis que la nouvelle se propage auprès du grand public, et qu’in fine les personnes concernées par ce fait divers réagissent par voie de presse, finissant ainsi par lui octroyer un caractère exceptionnel qu'il était loin de mériter.   C’est aujourd’hui chose faite, avec le lancement d’une pétition initiée par la famille Courjault, qui entend s’opposer à la publication du roman, prévue le 20 août. Et l’on parle déjà de procès, qui si tout va bien devrait se dérouler bien après la sortie du livre… En littérature, plus un roman est attaqué et plus il se vend, et ce faisant, les Courjault - innocents engrenages de la machine à faire du bruit pour rien - ne réalisent sans doute pas qu’ils sont les meilleurs propagandistes de Julliard, auquel ils font –cerise sur le gâteau –économiser une coquette somme d’argent en campagne publicitaire. Mais gageons que ce petit pactole habilement épargné servira à subventionner la découverte de nouveaux auteurs…

     
    Mazarine a-t-elle envoyé son premier roman
     par laposte ou l'a-t-elle déposé à l'accueil 
    pour économiser les frais de timbre ?

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  • Vous n'aimez rien tant qu'une longue balade dans les bois au milieu des arbres feuillus. En chemin, vous ne manquez pas de saluez vos amis les écureuils, petits hôtes espiègles et roux de la grande forêt mystérieuse. Votre coeur bat la chamade lorsque, au loin,  retentit le chant du coucou qui rebondit de brin d'herbe en chapeau de champignon pour enfin épouser le pavillon velouté de votre oreille délicatement ourlée.
    Vous êtes une personne sensible, et vous vous comportez comme un véritable éponge face au malheur du monde (vous avez définitivement renoncé à la lecture des pages "faits divers" du Parisien une veille de week-end).
    Sentimentalement, vous idéalisez l'être aimé au delà de toute limite, d'autant plus aisément que vous vivez seul et que votre dernière relation sérieuse remonte au CM2 Bref, votre personnalité à fleur de peau, votre passion du beau et votre quête de l'amour impossible font de vous un être à part, un écorché vif, une petite boule d'émotion concentrée prête à exploser à tout moment. Toutefois, vous sentez un grand vide dans votre existence, une sorte de langueur monotone que vous ne sauriez définir, un besoin d'expression qui vous taraude jusqu'au fond de vos draps, le soir, lorsque la lune caresse de sa douce lumière les contours de votre chambre.
    Un jour, la providence vous mène jusqu'à une librairie. Le destin prend ensuite le relais et vous mène jusqu'à un livre dont la couverture aimante immédiatement vos yeux. Il s'agit "D'amour et de mots", du grand poète/chanteur de variétés Francis Lalanne. Vous ouvrez le volume et commencez à lire les première lignes. Là, les poils de vos bras se dressent comme un seul homme :c'est la révélation ! Vous aussi allez écrire de la poésie !
    Votre plan est simple : à l'aide d'un dictionnaire de rime, vous vous mettez aussitôt au travail. Les thèmes ne manquent pas : l'amour, la vie, les écureuils, tout les sujets sont bons pour versifier et libérer enfin au grand jour les sentiments qui vous habitent. Et puis l'avantage avec les poèmes, c'est que quelques lignes suffisent pour remplir une page. En un mois, et à l'aide d'une police Tahoma corps 14 en gras, vous possédez déjà assez de matière pour remplir un volume. Vous intitulez l'ouvrage : "Amour rimera toujours avec toujours", le dédiez à Sylvie Tassereau, que vous nommez pudiquement Sylvie T, et sûr de votre coup, vous l'envoyez à toutes les plus prestigieuses maisons d'éditions de France.
    Bienvenue dans le cercle des poètes maudits. Car la seule réponse que vous ne recevrez jamais est "votre ouvrage n'entre pas dans le cadre de nos collections". Et encore, il est fort à parier que vous ne recevrez rien, absolument rien. J'entends d'ici vos récriminations de poète blessé jusqu'au sang dans son hypersensibilité à fleur de peau : "Oui, mais... Et Francis Lalanne, alors ? Il vend, lui !"
    Ce à quoi je vous répondrai que Francis Lalanne (comme Dominique de Villepin) fait partie de la catégorie extrêmement rare des poètes qui passent à la télévision à des heures de relativement grande écoute. Dès lors il a beau jeu de prendre la pause, d'adopter son regard de cocker enrhumé et de débiter sur un ton enfiévré, dès que l'occasion se présente, des chapelets d'âneries que le téléspectateur semi anesthésié prendra à tort pour de la poésie. 
    Difficile dès lors de soutenir la comparaison avec une telle bête de somme de la création artistique, vous en conviendrez.
    Toutefois, ami poète, il vous reste une solution : l'Internet. Avec les conseils prodigués ici-même, ce serait bien étonnant de ne pas attirer 3 ou 400 pékins bon an mal an sur un quelconque blog présentant vos bouts rimés,  joliment agrémentés de coeurs en gif animés et de photos d'écureuils espiègles.  En somme, plus de lecteurs potentiels que ne vous aurait apporté une édition en papier, et tout cela sans bourse délier, tout en préservant les arbres de la forêt. Forêt dans laquelle vous pourrez ainsi continuer à vous promener, en quête de cui-cui d'oiseaux et d'inspiration.
     

     

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  • Une lectrice de ce blog, que nous appellerons Rose dans la mesure où elle ne s'appelle pas du tout comme ça, m'a appris aujourd'hui que son roman venait d'être accepté par un éditeur. O bonheur ! O Joie ! Toutefois, avant de déboucher une bouteille du meilleur mousseux et ouvrir une nouvelle boîte de petits Lu pour fêter l'événement, méfiante, elle m'a envoyé le dit contrat afin que j'y jette un oeil. Si vous avez lu le titre de l'article, vous avez déjà compris,  malin lecteur, que ce faisant elle a eu parfaitement raison.
    Avec la permission de Rose, je publie ci-dessous le mail de l'éditeur en question, avec quelques commentaires de mon cru signalés en italiques. Pour des raisons évidentes de tranquillité, les noms des personnes et des sociétés ont été remplacées par des X.
     
     
    Bonjour Madame Fruchard, (inutile de chercher Rose Fruchard dans l'annuaire)
     
    Je reviens donc vers vous pour vous faire les commentaires de votre livre. ("Chouette, vous dites-vous  immédiatement, des commentaires de la part d'un éditeur : quelle aubaine !" Si vous appartenez au sexe féminin, vous êtes déjà à deux doigts de le demander en mariage).
     Votre histoire nous a beaucoup intéressé ? ( le point d'interrogation figurait dans le mail. Une coquille ?  En tout cas, il interroge).
    C'est un récit très porteur en ce moment. (Aaaaah ! Ca, ça fait rudement plaisir ! Mais que signifie, au juste, un "récit porteur" ? On n'en saura pas plus.)
    De plus je vis un  peu les mêmes choses. (On notera l'habileté du monsieur : il vit (un peu) la même chose, on ne peut que se sentir proche de lui)
     (C'est un sujet qui me passionne vous comprendrez donc que je ne vous laisserait (notez bien la grosse faute de conjugaison, elle prendra tout son sel quelques lignes plus bas) pas sans vous faire de proposition). (Oui, on comprend bien : un sujet passionnant ET porteur, c'est pas si courant)
    Il est clair que votre livre nous intéresse mais et oui il y a un mais. (Là c'est la douche écossaise : comment ça, un « mais » ? Vous qui commenciez à être persuadé d’avoir écrit le prochain Goncourt, pas moins, c’est un peu rude. Vous continuez fébrilement votre lecture en vous rongeant les ongles)
    En effet nous pensons que votre style est très correct (Un style "correct"...  Il veut dire : comme celui de Marc Lévy ?) mais  il y a quand même pas mal de maladresses d'expression, vous avez des fautes de conjugaison, des fautes de concordance de temps et pas ma de fautes d'orthographe. (Et c'est là que vous vous dites que, tout de même, vous auriez dû vous relire, et que lui aussi par la même occasion (voir plus haut, et plus bas aussi))
    Cela dit ce n'est pas grave car nous traitons les corrections avec vous. (Quel gentil éditeur ! Tout n'est donc pas perdu ?Devant tant de sollicitude et de dévouement, des larmes de joie roulent sur vos bonnes grosse joues rebondies)
    Il reste donc un gros travail à faire.(Bon, d'accord, mais vous êtes prêt à relever le défi. Vous n'avez pas tapé 300 pages de prose pour vous laisser embêter par de vulgaires fautes d'orthographe).
     
    Cela étant nous sommes près (encore une belle faute, soit dit en passant) à vous éditer. (là, vous levez les bras en l'air et vous criez "Youpi !" (si vous êtes démonstratif))

    Dans la mesure où vous acceptez les conditions ci-dessous voici ce que nous vous proposons. (Oui oui oui ! Vous êtes prêt à accepter toutes les conditions du monde, car vous allez enfin, être PUBLIE !)

    La partie suivante n'est plus dans la même police de caractère. En fait, ce qu'on vient de lire représente la partie "personnalisée" (Heureusement d'ailleurs : imaginez que le monsieur écrive "je vis un peu les même choses" alors que votre roman raconte les tribulations d'une horde de rat dans les égouts de Paris. Ca ne ferait pas sérieux)
     
    notre travail se déroule en deux parties bien distinctes.("Très bien, vous dites-vous, deux parties : voilà qui est professionnel)
    La partie Pré-presse et la partie Édition pure avec mes frères éditeur également XXX Editions. Nous nous partageons le travail à faire, je traite la partie pré-presse (correction mise en page et création)  et mes frères éditent fabriquent et diffusent.
    (une affaire familiale, c'est presque attendrissant).
     
    Pour la partie Pré-presse : notre prestation intègre :
     - La reprise complète de votre manuscrit.
    - Les corrections grammaticales (ça doit être joli !)
    - Les corrections orthographiques (idem)
    - Les corrections typographiques. (C'est à dire : dans Word, faire "sélectionner tout" puis mettre en police Times New Roman, corps 12. En somme, un vrai travail de spécialiste).
    - Le remaniement éventuel des textes et des paragraphes (tout ceci avec notre service corrections en directe avec vous)
    - La suppression des répétitions
    - La définition du prix de vente du livre avec vous.
    - La création de la couverture avec insertion du code barre pour la vente,
    - La création d'un «pitch» de quatrième de couverture de façon à ce que le livre soit accrocheur pour sa mise en ligne, (les futurs acheteurs doivent «accrocher» dessus).
    - La mise en page et l'imposition de votre livre pour impression.
    - La soumission de notre épreuve pour corrections et commentaires de votre part.
    - La finalisation de la mise en page et validation de votre part.
    Total de la prestation : 1400 Euros
     
    Là, évidemment, vous avez le souffle coupé. Vous remarquerez cependant qu'il n'a pas compté dans le devis la numérotation des pages. Ca c'est cadeau de la maison, cadeau du patron. Enfin, bon, oui... 1400 euros, quand même... Oui, d'accord, mais vous allez être PUBLIE ! (youpi !) Vous continuez donc votre lecture, le coeur en fête malgré tout.
     


    Deuxième partie : l'édition
    - Cette prestation comprend :
    - La fabrication de 1000 livres,  en première déclaration  (Fichtre, diantre !  1000 livres ! Et vous vous demandez déjà où vous allez bien pouvoir stocker tout ça. C'est que vous avez fait vos comptes, et que sorti de vos 10 amis et de votre tante Georgette, ça va pas être si facile que ça de le refourguer, votre chef d'oeuvre !)(tirages complémentaires sans aucun frais pour vous) (Ah ben ça c'est drôlement gentil mais bon (voir au dessus))
    un nombre de livres correspondant au 800 euros vous sera remis dès la sortie pour vous rembourser ces fonds.
    Ces livres, vous les vendez ou vous les donnez cela ne nous regarde pas ( ou vous en faites des cocottes en papier, on s'en fout, on vous dit !) et vous encaissez toutes les sommes perçues - Nous vous invitons cependant à les vendre.
    (au cas où la possibilité ne vous aurait pas effleuré l'esprit).
    - De notre côté, nous alimentons les Fnacs, Virgin, Electre (pour info : electre est une base bibliogrpahique, et ne vend en aucun cas de livres), Dilicom, G-DIL, Tite live, A la page et bien d'autres points de ventes (Au total environ 800 points de ventes dans les bacs) . nous gardons quelques exemplaires pour présentation dans les salons du livre que nous faisons (dans le meilleur des cas, quelques foire à la saucisse de sous-préfecture), ainsi que dans les grandes surfaces telles que : Auchan et Leclerc dans lesquels nous sommes référencés (Là, c'est carrément énorme, lorsqu'on connaît la politique de référencement de ces grandes surfaces). Nous alimentons également tous ces points de vente au fur et à mesure de leurs demandes et ce, pendant trois ans (contrat d'édition renouvelable tous les trois ans par tacite reconduction).
    Chaque vente de livre vous rapporte 10 % de droits d'auteur. Le reste de la somme devant être redistribuée essentiellement aux distributeurs qui prennent 68 % ainsi que pour la fabrication du livre. (les distributeurs prennent un peu moins de 50% en réalité)
    Le livre est également intégré automatiquement dans notre boutique en ligne XXX.com.(minimum 8 à 10000 visites par mois.)
    En plus des points de vente français, nous diffusons également en Belgique, au Canada
    Si vous désirez vendre votre livre de votre côté, vous nous rachetez les livres à 50 % du prix de vente et tout ce qui est vendu est à vous.

    Total de la prestation : 790.00 Euros.

     
    Et un total général de 2 190 euros ! Ce qui revient tout de même très très cher. Car, bien sûr, vous ne vendrez jamais vos 1000 livres, qui vous resteront sur les bras. Aucun des fameux "800 points de vente dans les bacs" ne commandera un seul exemplaire, et vous ne toucherez jamais de droits d'auteur.

    Alors un bon conseil : si vous tenez vraiment à tenir entre vos mains un exemplaire imprimé de votre roman, si vous voulez en offrir quelques uns, voire en vendre une poignée pour les plus téméraires, allez donc voir un imprimeur et demandez-lui un devis pour une centaine d’impressions. Ca sera beaucoup plus accessible que les offres des marchands de rêves qui traînent sur internet. (Et pour me remercier, vous m’enverrez la différence).

     

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  • Vous avez envoyé votre manuscrit à plusieurs maisons d’édition et depuis, tous les matins, vous guettez fébrilement la venue du facteur. Voici quelques informations qui vont sans doute calmer vos ardeurs et vous permettre, enfin, d’envisager la vie sous un autre angle (Et pourquoi ne pas s’inscrire à un stage de macramé ?)

    Allia reçoit environ 1.800 textes par an.
    7.000 textes arrivent par la poste chez Albin Michel.
    Les éditions Grasset reçoivent quelque 4.000 manuscrits par an.
    Anne Carrière 5.000. (Source AFP).

     

     Quelques déclarations d’éditeurs, certaines encourageantes, d’autres moins…

     "N'importe qui raconte sa vie, ses petites histoires. Mais plus de 90% de ce qu'on reçoit n'est publiable par personne. Simplement parce que c'est mauvais. On peut penser que c'est complètement ahurissant de lire 1.800 manuscrits. Mais du point de vue de la rentabilité, si j'en retiens deux ou trois qui font 3.000 où 5.000 exemplaires, le jeu en vaut la chandelle" Gérard Berréby, des éditions Allia.

    "On n'a pas besoin de manger tout le boeuf pour savoir si la viande est bonne, il suffit parfois de lire quatre ou cinq pages pour savoir si c'est publiable".
    Francis Esménard, Albin Michel.

     

     "Le public a le sentiment qu'on cherche tous les prétextes pour ne pas publier. Au contraire, on cherche désespérément le talent. Dès qu'il y a l'ombre de quelque chose qui ressemble si peu que ce soit à un talent, on se précipite dessus". Olivier Nora, Editions Grasset

    Il faut savoir que un à deux manuscrits seulement sur 1.000 arrivés par courrier seront effectivement publiés. Le premier tri se fait en quelques minutes.

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