• En préambule, et afin de lever toute ambiguïté : cet article n'a pas pour ambition de gloser sur le style littéraire de Michel Houellebecq. Notre ambition ici est plutôt de nous intéresser au style vestimentaire de notre héros, son style capillaire par la même occasion. Et pourquoi pas, son style dentaire.

    Voilà, nous pouvons commencer.

    Michel et moi, c'est une longue histoire. Il me donne du "Aloy", je lui donne du "Michou", voire du "mon Mich-mich", c’est vous dire le niveau d'intimité.

    Notre première rencontre remonte à 1983, au ministère de l'Agriculture. Il y travaillait comme informaticien, j'étais pour ma part en charge de l'inventaire exhaustif des poulaillers de Seine et Marne, section Nord.

    Michel et moi a une fête déguisée, vers la fin des années 80. Une époque on l'on savait encore s'amuser.

    La première fois que nos regards se sont croisés, c'était au self du ministère. Ce fut une véritable coup de foudre, l’équivalent de Montaigne et La Boétie, les fraises et les chausses en moins.
    Nous pouvions rester pendant des heures à débattre du crypto communisme diffus présent dans Rahan, et des vertus comparées de Pif et Hercule en tant que héros représentatifs du lupen prolétariat (Il soutenait en ricanant que la rouerie de Pif était l'illustration ultime du petit bourgeois veule à la solde du grand capital, je pensais la même chose d'Hercule. Nous avons eu parfois des mots assez forts à ce sujet, sans jamais cependant que ça ne réussisse à altérer notre belle complicité).

    D'un point de vue habillement, l'époque "ministère de la Culture" est marquée par un classicisme un peu terne, propre à bon nombre d'employés de la Fonction publique : autant dire que dans les couloirs du ministère, les regards ne se retournaient guère au passage de mon Mich-Mich. La coiffure de premier communiant n'arrangeait rien à l'affaire, et participait même activement à la morne impression qui se dégageait du personnage.

    Le style Houellebecq
    Michel au pot de départ en retraite de Marcel Favrot : l'unique fois où ses collègues auront l'occasion de le voir avec une cravate.

    Les choses vont évoluer dès lors qu'il va définitivement abandonner son métier d'informaticien pour devenir écrivain à plein temps. Au départ, il n'était pas très fixé sur sa véritable vocation, caressant même pendant un temps le projet de réaliser une bande dessinée pour enfants mettant en scène les aventures d'une marmotte Cégétiste prénommée Pifule (ou Hercif, selon les jours). Subodorant le fiasco, je lui conseillais plutôt d'embrasser une carrière de poète, en lui remémorant à dessin le petit succès qu'il avait remporté lors du pot de départ de Favrot, lorsqu'il avait récité sa poésie écrite spécialement pour l'occasion. 

    Le départ à la retraite, prémisse d'une lente agonie,
    Comme une crucifixion.
    On n'arrive pas à faire le vide.
    On pense à la machine à café,
    Qui coule désormais sans nous.
    Et puis on meurt,
    La tête pleine de fichiers Excel,
    Incomplets

    C'est vrai que Favrot s'était retrouvé avec le moral dans les chaussettes, mais de son côté, le staff de la compta (principalement composé d'éléments féminin) avait chaleureusement applaudi.

    Michel se rangea finalement à mes arguments. Il en convenait d'ailleurs bien volontiers : ce n'était pas avec une taupe cégétiste qu'il allait faire chavirer les cœurs. D'autant que, n'ayant toujours pas connu l'amour (autrement qu'avec lui-même) il était peut-être temps de donner un coup de pouce au destin.

    Ses débuts dans la poésie furent laborieux. Inconnu de la profession, il arpentait inlassablement les petites maisons d'édition, essuyant les refus les uns après les autres avec un stoïcisme qui forçait l'admiration. Deux tenues caractérisent cette époque, l'une réservée aux frimas de l"hiver (photo A), l'autre à la moiteur de l'été (photo B). 

    Le style Houellebecq
    Ceci est la photo A : épaisse veste de tweed surdimensionnée pour les frêles épaules de Mich-Mich, regard plongé dans un ailleurs fait de chimères, cigarette tenue bizarrement : un personnage commence à poindre.

    Le style Houellebecq
    Ceci est la photo B : Dès que le thermomètre affiche 25 degrés, Michel ose la chemisette Vichy, au risque de passer pour un poète mineur (imagine-t-on Arthur Rimbaud en chemisette Vichy ?)

    Las de hanter les biennales de poésie, leur mousseux bon marché servi dans des verres en plastique et leur sempiternelles assiettes (en plastique également) remplies de bretzels de chez Lidl, Mich-mich décide de changer son fusil d'épaule et se lance dans le roman.

    Ses considérations sociologiques sur la solitude et le désarroi de l'homme moderne qui feraient passer Cioran pour un émule surcocaïné de Cyril Hanouna, ses scènes de sexe torrides habilement amenées au fil d'un récit entretenant finalement bien peu de liens de parenté avec ceux de Katherine Pancol, tout ça fini par faire un tabac.

    Le succès et la reconnaissance arrivent enfin, et avec eux, hélas, le début d'une perte de repères esthétiques qui ne fera que s'accentuer au fil des années.

    Le style Houellebecq

    Sans doute enivré par le succès, Michou se laisse aller aux pires excentricités. Non content d'adopter un chien aux pattes presque nexistantes, il s'affuble désormais de chemises aux couleurs criardes qu'on dirait découpées dans la toile d'un vieux parachute. Il pousse la démesure jusqu'à porter des bermudas en jeans qui ne laissent rien ignorer de ses deux petits genoux glabres, semblables à deux moignons rosés. C’est sa période "disco décomplexée".

    Dans les années 2000, nonobstant son succès, Mich-mich va commettre deux erreurs : tout d'abord, manger trop de bonbons sans jamais se laver les dents le soir. Ensuite, faire confiance au dénommé Ringo Maridchella, rencontré dans un bar du 13ème arrondissement, qui se fait fort de lui régler définitivement son problème de calvitie galopante.
    Confiant et naïf, Michel se rend donc un beau matin à la clinique du Dr Maridchella, situé dans l'arrière cours d'une garage automobile à Montreuil.

    Le style HouellebecqMichel et le Docteur Maridechella trinquant au succès de la future opération

    La greffe capillaire est de toute évidence un succès, du moins du point de vue quantitatif. Toutefois, lorsque Michel s'enquiert de l'origine de sa nouvelle tignasse, le soi-disant Docteur reste évasif, préférant orienter la conversation vers des considérations météorologiques moins impliquantes.

    Le style Houellebecq
    "Docteur, vous m'avez mis quoi sur la tête ?"

    La vérité finira par éclater, hélas un peu tard : les connaissances en esthétiques capillaires de Ringo Marichella sont pour le moins fragmentaires, puisqu'il s'avère qu'il n'aura passé, au cour de sa misérable existence, qu'un CAP de plomberie (que par ailleurs il a raté). En revanche, il est très proche du gardien du zoo de Vincennes, au sein duquel on a retrouvé peu de temps auparavant deux babouins mâles entièrement tondus. De là à tendre une passerelle entre ces deux tragiques événements, il n'y a qu'un pas que certains esprits clairvoyants n'hésiteront pas à franchir. Pas Michel, cependant, qui préfère faire contre mauvaise fortune bon coeur.

    Afin de se consoler de son avanie capillaire, mon Michel se lance alors dans une série d'achats compulsif portant exclusivement sur des parkas vert kaki qui l'éloignent définitivement du statut de latin lover auquel il aurait aimé prétendre , mais lui permettent cependant d'envisager une apocalypse nucléaire avec une certaine sérénité : ainsi accoutré, quelle horde de survivants sanguinaires oserait tourner autour de sa réserve d'eau ?

    Le style Houellebecq
    Alors, les gars, on a soif ?

    Le style Houellebecq

    Durant les chaudes journées d'été, le parka sera avantageusement remplacé par ce seyant débardeur matelassé aux poches multiples, toujours utiles pour chasser l'ours en forêt de Compiègne une fois la planète rendue à son état primitif.

    Le style Houellebecq
    Qu'est-ce qui fait que Michel est un auteur unique et irremplaçable ? C'est le seul à sourire de toutes ses dents à l'objectif des photographes (cf. article précédent). En l’occurrence, à cette époque, il n'en avait plus, mais ça n'enlève rien à la beauté du geste.

    Continue comme ça, mon Mich-Mich, on t'aime!

    L'auteur tient à remercier Nila Kazar pour ses informations qui ont grandement servi à étayer la partie "capillaire" de cet article consacré à MH.

     

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  • (Et moi aussi, cela va de soi !)

    Si vous avez lu Un drôle de cinéma, n'hésitez pas à déposer un commentaire sur amazon : c'est d'autant plus important que cette année, je participe au concours des plumes francophones (oui, je suis une plume francophone...). Le classement se fait en grande partie en fonction des appréciations des lecteurs, donc je compte sur vous, amis lecteurs ! (et non pas Hannibal Lecter).

    Je vous remercie par avance de votre sollicitude, et vous embrasse tous sur le front (avec du rouge à lèvres).

    https://images-eu.ssl-images-amazon.com/images/G/08/kindle/merch/content/KDP/1500x400_V3.jpg

    Comme vous pouvez le constater, c'est du sérieux : il y a la même Marianne que sur les feuilles d'impôt.

    Pour finir, un mot de mon ami Jean Gabin :

    Résultat de recherche d'images pour "jean gabin"
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  • Ca y est, après quelques soucis d'ordre technique, "Un drôle de cinéma" est enfin disponible, au format mobi et en broché.

    Pour accéder à sa page, il suffit de cliquer ICI.

     

    Pour lire un extrait :

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  • Un drôle de cinéma : premiers éléments !

    Marc a tout pour être heureux : une femme qu’il aime, un roman qui trouve enfin un éditeur. Seulement voilà : Fanny – la femme qu’il aime – le quitte : Ras-le-bol de passer ses soirées et ses week-end seule pendant que “Monsieur” peaufine ses chef d’œuvre !

    Tandis que Marc rumine l’échec de son couple, un metteur en scène le contacte : il veut tirer un film de son roman, et invite le jeune écrivain chez lui, du côté de Marseille, pour se mettre sans plus attendre au travail. Entre déprimer dans son appartement ou se changer les idées au soleil, le choix est vite fait.

    Mais la belle aventure tourne court : le lendemain de son arrivée dans le sud, on retrouve le réalisateur mort, assassiné… et tout semble accuser Marc. Lorsque Fanny apprend la nouvelle, elle met de côté sa rancœur et saute dans le premier TGV pour Marseille, bien décidée à tirer Marc de ce mauvais pas.

    Pour arriver à ses fins, elle ne peut hélas que compter sur sa détermination, son courage et… ses lectures de romans policiers ! Pas sûr que ce soit suffisant…

    Les jours passent, son enquête tourne au fiasco tandis que Marc le rêveur, confronté à un univers carcéral qu’il ne maîtrise pas vraiment, déprime chaque jour un peu plus au fond sa cellule…

    Heureusement, Fanny va découvrir que sa logeuse n’est pas seulement une mamie à chat…

    Quant à Marc, il peut compter sur Bouddah…

     

    Une comédie policière menée tambour battant, peuplée de personnages haut en couleurs et de situations désopilantes, où l’émotion n’est jamais très loin.

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